Instruction en famille, famille nombreuse et handicap
Nous avons fait le choix avec Patrick, mon mari, d'instruire nos enfants avec la méthode Montessori. N'ayant pas d'école Montessori proche de chez nous, ni abordable pour notre budget, j'ai suivi un cours et je suis devenue éducatrice Montessori. Cela m'a demandé aussi de fabriquer le matériel néccessaire à l'instruction en famille de nos enfants avec cette méthode. Cela fait 5 ans que je pratique cette pédagogie.
La philosophie qui se rattache à la pédagogie Montessori est très riche, et m'a permis de faire face aux adaptations indispensables à l'accueil d'un enfant différent. Pourtant, différent ou non, l'enfant reste un enfant, et il a une prodigieuse capacité d'adaptation qui lui permet de progresser quel que soient ses potentialités dues à ses spécificités propres.
La solution de l'instruction en famille s'est imposée à nous avant l'arrivée d'Alexandre, mais elle a développé toute sa mesure après.
Mais voyez plutôt par vous même l'article écrit l'an dernier mais qui est toujours d'actualité, à une chose près...en plus de l'école à la maison pour Alex (prise en charge de l'après midi) nous avions mis en place une heure d'école en milieu ordinaire tous les matins, ce qui plaisait beaucoup à Alexandre !
Article paru dans "Les plumes de LAIA" :
Instruction en famille, famille nombreuse et handicap
Depuis un an, nous avons retrouvé une certaine paix. Quand la course aux horaires imposés s’arrête, nous pouvons nous approprier notre quotidien, redonner une place suffisante à l’écoute de chacun et à l’apprentissage personnalisé.
L'APPRENTISSAGE PERSONNALISE voilà justement ce dont ont besoin les enfants différents, mais les autres aussi. La méthode Montessori m’a appris combien il fallait suivre la motivation de l’enfant et enrichir son environnement, plutôt que de lui imposer de l’extérieur un programme calqué sur ce qu’ingurgitent toute une tranche d’âge avec plus ou moins de bonheur !
La vie s’est donc entièrement réorganisée. Pour que chacun se sente bien, il faut éviter la pure improvisation ou des horaires ultra rigides.
Les filles, neuf ans et sept ans d’un coté, et les garçons quatre ans et deux ans d’un autre coté, ont des besoins assez proches par groupe. Je me suis donc organisée pour répondre à chacun.
Il ne faut pas s’imaginer que nous avons de gros moyens, mais nous mettons toutes les allocations familiales plus l’allocation handicapée dans le salaire de Maria qui nous aide trois heures tous les matins. Elle s’occupe d’Alex et Maxime, les habille et leur fait prendre le petit déjeuner puis fait travailler à Alexandre les exercices de psychomotricité pendant trois fois cinq minutes entrecoupés de jeux. Elle prépare ensuite leur repas et les fait manger.
Pour les filles, ainsi, je suis entièrement disponible le matin de neuf heures à midi. Après un temps de discutions, le mot d’anglais du jour, la date, les filles choisissent trois activités de math et trois activités de français à faire en Montessori.
Après la présentation du matériel, je suis là pour un coup de pouce, mais pour l’essentiel ce sont des activités qu’elles font seules, puisque le matériel est autocorrectif.
Après le repas préparé ensemble, il y a un temps calme de jeux pour les filles, et la sieste pour les petits.
L’après-midi continue par la culture à raison d’une matière par jour : lundi, histoire ; mardi, sciences ; jeudi, géographie et vendredi, arts plastique. Les filles choisissent le thème du jour. En histoire, on suit la chronologie, en science on part de l’observation de la semaine, en géographie, c’est suivant le temps, on part « sur le terrain » ou on travaille à partir de pâte à modeler, de puzzle de géographie, des drapeaux. Et l’art plastique c’est très divers. Elles ont un projet qu’elles avancent de semaine en semaine. C’est souvent de l’artisanat, de la couture, des bricolages qui ont un sens pour elles. Sinon, elles ne vont pas aller jusqu’au bout. Il ne s’agit pas pour moi de les « occuper » mais qu’elles apprennent à fabriquer de leur mains quelque chose qui soit beau et utile.
Le mercredi ce sont les activités des uns et des autres. C’est aussi le jour où je peux passer un moment « seul à seul » avec chacun. Le matin pendant que Marine est à l’activité couture/cuisine, j’accompagne Laure au clavecin. Puis l’après-midi, j’ai un temps avec Marine pendant que Laura est à la danse.
Alexandre est porteur d’un handicap d’origine génétique qui touche une soixantaine de personnes dans le monde, il a besoin d’un soutien chaque jour. En début d’après-midi, au moment de la sieste de Maxime, les filles ont un « temps calme » d’une heure où elles s’isolent pour lire, ou continuent leur projet d’art plastique, jouent au calme etc.c’est à ce moment que je travaille à la table avec Alexandre. Ce sont des boites dans lequel Alex glisse des œufs kinder, des cubes, il y a toute une progression d’activités variées afin qu’il apprenne à trier, à choisir (c’est inspiré de la méthode TEACH adaptée pour les personnes autistes). Depuis six mois, il a fait de gros progrès. Cela lui permet de travailler entre quatre heures et sept heures par semaine en plus des quarante-cinq minutes chez la psychomotricienne. Avant, il n’avait que la prise en charge en cabinet.
Cela s’est fait grâce au SESSAD qui intervient à domicile et qui permet une prise en charge intégrée au quotidien. L’éducatrice spécialisée du SESSAD vient deux fois par semaine pour adapter le programme de travail, une fois avec moi pour le travail de l’après-midi et une fois avec Maria pour le travail du matin.
Alexandre va aussi une fois par semaine dans une sorte de halte garderie spécialisée entre dix heures et seize heures trente le mardi.
Sans faire l’école à la maison les deux fois une heure de trajet du mardi deviennent vite un casse tête par rapport aux horaires d’école car c’est à trente minutes de la maison, et il n’y a pas de prise en charge possible de trajet type taxi parce que ce n’est pas un soin. Ce jour-là je perds donc deux heures pour l’amener là-bas.
Je pense que la prise en charge d’Alexandre à la maison est bien plus qu’une scolarisation à la maison. L’éducation nationale nous proposait une heure le samedi matin « parce qu’en petite section il n’y pas d’enfants ou presque le samedi ». J’étais abasourdie….et en colère ; ce jour là, malgré toutes les démarches que j’avais faites pour qu’il entre à l’école, j’ai tout refusé en bloc.
On peut s’interroger sur le fait qu’une heure pas semaine suffit à considérer un enfant handicapé comme scolarisé, alors que l’EN n’est rassuré que par les huits heures par jour de collectivité pour considérer les autres enfants comme « hors de danger ».
L’école à la maison pour Alexandre c’est avant tout éviter de lui faire perdre ses repères par des changements de lieux, de personnes ou d’emploi du temps. Un enfant avec une « déficience mentale » comme lui a des difficultés à s’adapter.
-éviter de le confronter sans arrêt à la nouveauté c’est le respecter.
-prendre le temps de le laisser faire seul à son rythme ce dont il est capable c’est lui laisser sa dignité de personne.
-Répéter toujours dans le même ordre les évènements de la journée c’est lui permettre de s’y retrouver, de se repérer, et donc de se sentir moins angoissé.
-garder pour chaque évènement quotidien toujours les mêmes objets aident la communication, car il ne parle pas. Ces objets prennent alors un sens : le verre =à boire ; l’assiette = à manger ; les chaussures = on sort ; les chaussons = on reste à la maison etc.
Il devient alors capable, grâce à cette structuration de son environnement de se repérer et d’agir.
Chaque fois que c’est possible, Alexandre apprend concrètement la vie autonome, parce qu’on "l’aide à faire seul " comme disait Maria Montessori. Et cela toute la journée, toute la semaine, toute l’année, pas seulement à un moment décidé par quelqu’un parce que cela rentre dans le planning d’un professionnel. Aussi compétent soit-il.
L’école à la maison, c’est du « sur mesure pour chacun, et c’est aussi concret que la vie qui passe ! Alexandre est comme chacun de mes enfants, il est unique. Peut-être un peu plus unique que les autres !
Et Maxime me direz-vous ? Il a deux ans bientôt, et commence petit à petit à venir travailler avec nous. Il entre dans notre pièce école, sort son petit tapis, le déroule va chercher son activité Montessori à l’étagère et l’effectue avec un sérieux étonnant, puis range à l’étagère. Quand l’environnement est adapté, l’enfant développe toutes ses capacités ! Et c’est très étonnant !"